Antoine Leblond
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monuke2017—2022

CE N’EST PAS LA PRÉSENCE QUI RÉGULE LE MONDE,
C’EST LE VIDE, L’ABSENCE, LE DÉSEMPLI, LA DISPARITION.

monuke — mot dont le caractère signifie exuvie — est l’enveloppe rejetée par le corps lors de la mue des insectes et des crustacés. Comme un tel organisme, le Japon est en constante métamorphose. Les villes se transforment, les villages se dépeuplent, des bâtiments sont démolis, d’autres tombent dans l’oubli et s’offrent alors à la caresse érosive du temps.

Démarré en 2017, monuke est une tentative de montrer le Japon à travers les marques visibles de l’absence et de la disparition, des symboles et de leur mutation. Ce travail, commencé sous la forme d’une collecte de vestiges de l’ère Shōwa dans le sud d’Ōsaka, mettra quatre ans à trouver sa forme finale.

Un sous-corpus d’environ quarante photos issues de ce projet a été rassemblé en 2022 dans un ouvrage soutenu par la fondation Sasakawa.

« De format vertical, monuke — traditionnellement, le japonais s’écrit verticalement en colonne allant du haut vers le bas et en s’ordonnant de droite à gauche —, propose un ensemble de kanjis photographiques de grande beauté désignant la force de l’atemporalité en transmettant la sensation de l’éphémère et du fragile.

En noir et blanc et nuances de gris, les photographies d’Antoine Leblond témoignent, dans le grain perceptible de chaque image, d’un rapport à la réalité envisagé comme cosa mentale.

Tout s’élabore ici entre apparition et disparition.

Un mur sali par le temps duquel des écritures en relief sont tombées.

Une ligne effacée menant à un passage souterrain dont les parois s’effritent.

Des lézardes dans le ciment.

Des bouddhas en série comme autant d’objets de consommation promis à la dégradation rapide.

Des traces de lumière, des moisissures, des murs couverts de suie.

L’agencement des formes tient de la plus haute pensée civilisationnelle, comme celle-ci se soutient de la fécondité des symboles traversant le temps.

Cadrées avec soin, les scènes vues sont moins abstraites que d’une existence très singulière ne devant rien, ou si peu, à la figure humaine.

Un oculus métaphorise cependant le regard de l’artiste français, entre ironie et monstruosité.

On écrit, on coud, on photographie.

On maçonne, on obstrue, on édifie.

monuke expose la présence et l’absence, le vide et le plein, l’effort d’être et le désêtre.

Même quand il érode les signes religieux, le temps n’est pas sacrilège, préparant à d’autres manifestations de l’invisible.

Antoine Leblond aurait-il construit un livre shintoïste ?

Il n’est pas interdit d’en faire l’hypothèse, tant tout bruit ici d’une vie intérieure intense, d’une autonomie de présence ne devant rien aux calculs humains, d’une étrangeté presque surréalisante.

L’homme, cher Protagoras, est-il vraiment la mesure de toute chose ?

Non, plutôt la tension tourbillonnante du vide en lui. »

Fabian Ribery, via lintervalle.org

Les photos d’animaux issues du projet ont été exposées au Bel Aujourd’hui en décembre 2020, puis à l’Atelier des Ursulines en octobre 2022.